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Contre l’illusion du « droit à mourir »

Les Chroniques du Sycomore ont déjà publié plusieurs contributions sur cette question. Nous partageons aujourd’hui avec vous un texte publié par le collectif Anastasis et intitulé : Pour l’universalisation des soins palliatifs, contre l’illusion du « droit à mourir », pour la solidarité avec les plus vulnérables de notre société  

Le Collectif Anastasis s’oppose au projet de loi sur l’aide à mourir porté par le gouvernement Attal. Ce projet mélange insidieusement des articles relatifs à l’aide active à mourir et des mesures relatives aux soins palliatifs, ce qui relève d’une forme de manipulation politique visant à dépeindre les opposants à l’aide à mourir en opposants aux soins palliatifs. Il détourne de leur sens véritable les principes fondateurs de liberté, de dignité et de solidarité. Sous couvert de liberté individuelle, il promeut en effet une société où la priorité n’est pas d’assurer aux personnes en fin de vie des conditions de vie dignes mais où l’on fait peser sur les épaules des individus pris séparément la responsabilité du prolongement de leur existence ou la décision d’en finir. Dans une société capitaliste structurée par les logiques du rendement, de l’utilité et de l’individualisme, il est évident que les plus isolés et les plus vulnérables en fin de vie seront implicitement invités à « choisir » la mort. À bas bruit, c’est bien une forme d’eugénisme qui est en train de s’imposer dans notre pays, comme il s’impose, pour d’autres raisons et par d’autres canaux, dans la suppression des personnes handicapées jugées « non-normales » et arbitrairement désignées comme « ne valant pas la peine de vivre », ou encore dans l’invisibilisation des vies migrantes disparues en mer parce que jugées indignes d’être accueillies sur le sol national. 

Parce que nous sommes chrétiens, nous croyons en la dignité de chaque forme de vie, nous luttons pour une société fraternelle où l’attention mutuelle donne sens à la fin de vie et nous pensons que le rôle de l’État n’est jamais de favoriser la mort. Nous rejetons la critique facile qui voit dans les chrétiens des amoureux pervers de la souffrance refusant, par idéologie doloriste, l’institutionnalisation de l’aide active à mourir. Nous entendons les souffrances, parfois extrêmes, des personnes qui expriment leur souhait d’en finir et sommes conscients que le cadre d’accompagnement des personnes en fin de vie où porteur d’une maladie irréversible ne répond pas à l’intégralité des situations, mais nous pensons qu’il existe une limite à ne pas franchir entre le fait de soulager la souffrance et le fait de légitimer l’intention de faire mourir, qui risque de s’appliquer à un éventail toujours plus large de personnes.

Parce que nous sommes de gauche, nous pensons que la question des droits individuels doit toujours être abordée parallèlement à la question des conditions matérielles et sociales de leur exercice. Il n’est pas de question où le collectif soit absent et l’enjeu, dès lors et sur tout sujet, est de socialiser les risques et de protéger les plus fragiles. En l’occurrence : assurer aux personnes en fin de vie un accompagnement complet, à même d’alléger au maximum leurs souffrances et de leur procurer toute la sollicitude humaine nécessaire, et cela quel qu’en soit le « coût » économique. Ce dernier point conduit logiquement à exiger davantage de moyens pour l’hôpital public. Lutter contre l’euthanasie sans lutter pour la conservation et l’amélioration des services publics est un non-sens. Il est hypocrite de prétendre donner une « liberté de choisir de mourir » dans un système de soins, carencé, précarisé, qui n’est pas capable par manque de moyens de proposer l’accompagnement thérapeutique et social dont les personnes en grandes souffrances auraient besoin.

Les dispositifs proposés par le projet loi viennent questionner profondément notre rapport social à l’accompagnement des personnes en souffrances et à la mort. Jusqu’ici, la réponse médicale et sociale faite aux personnes qui veulent mourir, ou font des tentatives de suicides, est de dire que l’on tient à elles et que l’on ne consent pas à les faire les mourir. Un renversement de cette réponse constitue un changement profond de notre tradition de soin et il est indispensable d’en prendre la mesure, notamment en donnant plus de poids et de résonnance à la parole de nos soignants. 

Texte publié initialement par le Collectif Anastasis le 21 mai 2024

Extrait du manifeste du Collectif : Anastasis est un mot grec signifiant « résurrection » et « insurrection ». A nos yeux, cela désigne deux pôles de la vie chrétienne : nous croyons en un Dieu d’amour mort sur la Croix et ressuscité, promesse de salut pour tous les hommes ; nous croyons que ce Dieu nous invite à combattre, en tout lieu et en tout temps, pour la justice, et que son règne est déjà à l’œuvre là où l’amour s’exerce concrètement.

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