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Clément de Rome : l’évêque fait corps avec son Église

Église du monastère de Solan (Gard). Photo : V. Agassant

Pour écouter cet article :

Saint Clément de Rome a écrit une lettre aux chrétiens de Corinthe, probablement en l’an 95, que le p. Cyrille Argenti (+) analyse pour mieux comprendre la vision de l’Église lors des premiers siècles. Après avoir vu que l’Église est une communauté d’Églises-soeurs, nous voyons dans cet article qu’elle est articulée autour de son évêque.

Saint Clément insiste fortement sur la succession apostolique, sur la continuité de l’Église de sa génération avec l’Église des apôtres : « Nos apôtres aussi ont su qu’il y aurait des contestations au sujet de la dignité de l’épiscopat. C’est pourquoi, sachant très bien ce qui allait advenir, ils instituèrent les ministres que nous avons dit et posèrent ensuite la règle qu’à leur mort d’autres hommes éprouvés succéderaient à leur fonction. Ceux qui ont ainsi reçu leur charge des apôtres, ou plus tard d’autres personnages éminents avec l’assentiment de toute l’Église, s’ils ont servi le troupeau du Christ d’une façon irréprochable, en toute humilité, sans trouble ni mesquinerie, si tous ont rendu un bon témoignage depuis longtemps, nous pensons que ce serait contraire à la justice de les rejeter de leur ministère et ce ne serait pas une petite faute de déposer de l’épiscopat des hommes qui présentent à Dieu les offrandes d’une piété irréprochable. » 

Il faut souligner que les termes episcopoï, évêques, et presbyteroï, anciens ou prêtres sont encore interchangeables dans la bouche de Clément. Il ne distingue pas nettement les prêtres des évêques, de même que saint Paul dans ses épîtres pastorales, tandis que nous pouvons constater que dans les épîtres d’Asie Mineure et dans les écrits en particulier de saint Ignace d’Antioche qui ne sont postérieurs que de cinq ou dix ans à ceux de Clément de Rome, la distinction entre la fonction de l’évêque et celle des prêtres est déjà parfaitement claire. 

Ce point est important parce qu’il nous montre qu’en l’an 95, non seulement à Corinthe mais même à Rome, on ne distingue pas encore clairement la fonction du prêtre de la fonction de l’évêque. Clément ne se pose pas en pape, il se pose en représentant de l’Église de Rome. Il se pose aussi en représentant du presbyterium, de l’ensemble du clergé de Rome. Il exerce donc en fait des fonctions d’évêque, mais il n’en a pas encore conscience clairement, il ne revendique pas encore ce titre de chef de l’Église de Rome. Il écrit au nom de cette Église qui est la sienne, il fait corps avec elle, et c’est cela le point important. 

L’Église présente les offrandes à Dieu 

Saint Clément a ce sens très fort de l’Église et du lien physique, du lien charnel, du lien corporel, du lien organique qui relie le clergé et l’Église. Mais en même temps – et ceci est particulièrement important – il souligne la fonction du prêtre ou de l’évêque. Le prêtre ou l’évêque est celui qui « présente à Dieu les offrandes » : dans cette petite phrase apparaît tout le sens de la liturgie eucharistique tel qu’on l’a trop souvent oublié aujourd’hui. 

Le prêtre ou l’évêque est celui qui présente à Dieu l’offrande du pain et du vin en commémoration, en mémoire, en anamnèse de la mort et de la Résurrection du Christ. Nous découvrons là le vrai sens de ce que les catholiques romains appellent l’élévation, sens qui s’est souvent perdu : l’élévation est en fait la présentation à Dieu des offrandes par l’Église. C’est pourquoi dans les liturgies orthodoxes de saint Jean Chrysostome et de saint Basile, au moment de l’élévation, le célébrant dit : « Tes dons que nous prenons parmi tes dons, nous Te les offrons… » 

En faisant mémoire de la mort et de la Résurrection du Christ, les prêtres ou l’évêque offrent à Dieu au nom de toute l’Église le pain et le vin pour que Dieu envoie sur cette offrande de l’Église son Saint Esprit et la change en offrande du Christ, offrant son corps et son sang à son Père. Mais le rôle et la fonction de l’Église et de ses ministres est d’offrir le pain et le vin afin que l’Esprit Saint les change en corps et en sang du Christ. 

Nous voyons que ce sens de l’offrande, où l’Église offre le pain et le vin afin que le Christ offre son sacrifice, s’est trop souvent perdu dans les liturgies occidentales, il a été souvent occulté dans la liturgie romaine et complètement supprimé dans le culte protestant. 

L’épître de Clément de Rome nous aide à retrouver ce sens profond de la liturgie eucharistique, de même qu’il nous a aidé à retrouver le sens de la Tradition apostolique antérieure à la rédaction de l’ensemble du Nouveau Testament et à bien nous situer la place du clergé, corporellement et organiquement uni à l’ensemble de l’Église locale, qui est, avec les autres Églises-sœurs, l’expression locale de l’unique Église du ciel exilée en chaque lieu de la terre. 

P. Cyrille Argenti (+)

Le père Cyrille Argenti fut une figure majeure de l’orthodoxie en France au XXe siècle. Résistant, moine et prêtre à Marseille, il a œuvré à l’avènement d’une orthodoxie d’expression locale ainsi qu’au dialogue oecuménique.

Pour lire d’autres textes du père Cyrille :
https://monastere-de-solan.com/content/24-pere-cyrille

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