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Sainte mère Gabrielle, prie Dieu pour nous !

Hier, le 3 octobre 2023, le Saint-Synode de l’Église de Constantinople a pris la décision d’inscrire au nombre des saints mère Gabrielle (Papayannis). Nous sommes nombreux à avoir lu avec joie et profit son livre « L’ascèse de l’amour », à avoir retenu l’une ou l’autre des paroles d’une personne dont on se sentait proche, qui était devenue par notre proximité avec elle notre sœur, elle qui nous disait :

« Le plus important est l’amour, car l’amour avec l’humilité et la patience vont ensemble. Je n’obéis pas. J’aime ».

J’ai personnellement accueilli la canonisation de Mère Gabrielle avec une très grande émotion. Nous ne nous connaissions pas vraiment, mais je garde en mémoire cette soirée du printemps 1976 où le père Théodose, higoumène du petit monastère de Béthanie, la ville de Lazare et de Marthe et Marie, me proposa de venir à la liturgie le lendemain matin me disant : « Viens, il faut que tu rencontres sœur Gabrielle, elle ne reste que quelques jours ».  Après la liturgie et le petit café accompagné d’un verre d’eau fraîche, sœur Gabrielle m’a proposé de nous asseoir à l’ombre et de partager un verre de grenadine. Nous avons parlé, en français, de l’Inde, de ses voyages, de sa santé… mais je me souviens surtout de la vivacité du regard de cette sœur qui avait déjà 80 ans ! de sa joie, de son humour aussi ! Elle a évoqué la parabole du bon Samaritain, rappelant que l’attention au prochain était au cœur de la vie chrétienne, et a terminé notre bref échange en parlant de Marie de Béthanie qui « a choisi la meilleure part ». 

Nous sommes restés tout au plus un quart d’heure sous l’un des sycomores du jardin, mais ces souvenirs me sont revenus ce matin, en apprenant avec beaucoup d’émotion que nous allions maintenant pouvoir dire : sainte mère Gabrielle, prie Dieu pour nous !

Née à la fin du XIXe siècle dans le quartier du Phanar à Constantinople, après ses études à Thessalonique et en Suisse, elle décide de venir en France et en Angleterre juste avant la Seconde guerre. Elle retourne en Grèce après la guerre, où elle dirige une école d’agriculture, avant de partir en Inde en 1954 où elle va se mettre au service des plus pauvres dans un dispensaire en compagne de moines hindous. En 1959, elle entre au monastère des saintes Marthe et Marie, alors en Jordanie, où elle restera jusqu’en 1966, effectuant à cette période de nombreux voyages à l’étranger (Inde, Iran, Etats-Unis, Kenya, Suisse…). Elle reste ensuite quelques années à Athènes dans un petit monastère qu’elle a fondé : la « Nouvelle Jérusalem », puis, pendant un an, à 82 ans (1979), elle est higoumène du monastère de l’oasis de Faran au Sinaï. Elle passe ensuite une dizaine d’années à Athènes. Là, pendant onze ans, mère Gabrielle reçoit les visiteurs en quête de Dieu. Son amour, sa prière, son mot de consolation, son conseil, touchent au cœur les personnes les plus diverses qui viennent à elle : jeunes et vieux, hommes et femmes, évêques, prêtres, moines, moniales, laïcs, grecs et étrangers, orthodoxes, non-orthodoxes, non-croyants, hindous, bouddhistes, francs-maçons, artistes, scientifiques, astrologues… En même temps, elle maintient une vaste correspondance et elle prolonge sa diaconie au téléphone. Après le dernier visiteur le soir, puis la nuit et le matin, mère Gabrielle entre dans un temps d’hésychia (silence), de recueillement, de prière. En 1989, elle se retire dans un ermitage dépendant du monastère de saint Nectaire à Égine. Atteinte d’un cancer, elle doit retourner à Athènes, puis elle se retire dans un ermitage à l’île de Léros. Elle reçoit, à la fin de sa vie, le grand schème monastique et le 28 mars 1992 elle part pour son dernier voyage, vers la patrie céleste.

Trois courtes citations extraites du livre sur mère Gabrielle :

L’amour nous est donné par Dieu. Car Dieu est Amour. L’amour que nous portons aux autres vient de la Source, va vers eux et retourne de nouveau à la Source. Mais l’amour ne peut avoir de limites. Il est infini. Et comme dit l’apôtre Paul :  » L’amour excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. L’amour ne disparaît jamais  » (1 Co 13,7-8). Quand tu donnes tout ton amour à quelqu’un qui ne l’accepte pas, cet amour retourne en toi. Le Seigneur dit :  » Donne la paix à la maison où tu te rends. Si elle n’est pas acceptée, la paix te reviendra  » (Mt 10,12-13). C’est ainsi dans la vie…

Patience, pardon…, tout est dans l’Amour. Aimer c’est aussi se mettre à la place de l’autre. C’est ce que le Christ a dit :  » Aime ton prochain comme toi-même  » (Lc 10,27). C’est encore ce qu’il a répondu au légiste :  » Va et, toi aussi, fais de même  » (Lc 10,37). Indépendamment de qui il est. Est-il bon ? Est-il méchant ? Est-il étranger ? Est-il des nôtres ? L’Amour, c’est aimer quelqu’un pour lui-même. Pour qu’il évolue et pour ce qui l’attend… Non pas par rapport à toi. Rien par rapport à toi. C’est ainsi que Dieu nous aime.

La Croix est le symbole du sacrifice de soi-même envers les autres. Mais celui qui se donne aux autres, les aime et les aide, ne sent pas ce sacrifice. Quand cet Amour se donne, c’est l’Amour divin lui-même qui passe dans le cœur du donateur, ce n’est pas l’homme qui le donne. Il ne sent aucun  » sacrifice  » car il n’en a pas conscience. Pour lui, c’est une attitude naturelle – rien ne change dans sa vie, dans sa santé – au contraire, il s’en réjouit continuellement, car il est à la fois donateur et récepteur de ce divin Amour, de cette force. Le Christ nous l’a prouvé par sa vie et son enseignement, sa crucifixion, sa Résurrection. Aussi le vrai amour se trouve-t-il toujours sur la Croix, mais en même temps, il est dans la lumière de la Résurrection.

Père Yannick Provost

Le père Yannick Provost est recteur de la paroisse Saint-Jacques-frère-du-Seigneur, à Quimper, et Saint-Jean-de-Cronstadt-Saint-Nectaire-d’Égine, à Rennes. Il est aussi membre fondateur de l’équipe éditoriale des Chroniques du Sycomore.

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