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Porteurs de flamme

Ces derniers jours j’entends à la radio que « la flamme », partie de Grèce, est arrivée à Marseille ; que « la flamme » va sillonner tout le pays jusqu’à parvenir à Paris, portée par des célébrités ou des gens sans renom.

La « flamme olympique », bien sûr. Mon appétence pour ce genre d’événement oscille entre une indifférence absolue (même si je suis paradoxalement très impliqué dans les activités sportives locales, mais d’une manière qui en laisserait sceptique plus d’un) et une indignation profonde, mais qui se manifeste avec retenue (j’en parle aussi ici). Seul le fait que l’on parle – via le prisme du handisport – des personnes handicapées atténue un peu mon ire. (Bon, en vrai, il y a eu aussi cela, mais ce n’était pas en France).

Non. Lorsque j’entends parler des « porteurs de flamme », je revois le prêtre sortant du sanctuaire durant la nuit de Pâques, tenant en main le trikirion allumé et entonnant :

Venez, recevez la lumière / De la Lumière éternelle / Et glorifiez le Christ / ressuscité d’entre les morts !

Alors, les plus proches s’avancent et allument chacun son cierge à la flamme offerte par le prêtre, puis se retournant l’offre à ses voisins, qui eux-mêmes la transmettent aux rangs plus éloignés.

Puis, sortant de l’église dans la nuit, à la suite du prêtre, des diacres, des acolytes et du chœur, tous les fidèles s’avancent en procession, protégeant au mieux la flamme vacillante, la rallumant à la flamme du voisin ou de la voisine de marche si par aventure elle s’éteint. Cette flamme unique, partagée entre tous. Le chœur chante : 

Ta résurrection ô Christ Sauveur / les anges la chantent dans les cieux / Accorde à ceux qui sont sur terre / de Te glorifier avec des cœurs purs.

Et tous avancent, en chantant ou en silence jusqu’à la porte de l’église close.

Lecture de l’Évangile, puis – de manière quelque peu scénarisée – lecture de versets du psaume 24, appelant les portes du Séjour des morts à s’ouvrir pour laisser passer le Roi de gloire.

Enfin, annonce de la résurrection du Sauveur et chant du tropaire pascal en français, grec, slavon…

Le Christ est ressuscité des morts / par la mort il a vaincu la mort / A ceux qui sont dans les tombeaux / il a donné la vie !

Porteurs de flamme, nous entrons ensuite de nouveau dans l’église illuminée pour le reste de la Liturgie.

Porteurs de flamme… Ce que nous faisons ne sont certes pas des « jeux olympiques », mais l’Apôtre lui-même se compare à un coureur dans une épreuve sportive et nous invite à faire de même[1].

Après, la question est de savoir quelles sont les épreuves : aux JO, tous les athlètes ne concourent pas dans toutes la catégories… Et là, c’est à chacun de le savoir, de le découvrir. Je ne parlerai pas de ceux qui, rêvant peut-être trop d’idéal ascétique, voudront réaliser quelque exploit, quelque « podvig » : ce n’est pas mon domaine, et je n’ai rien à en dire. Par contre, je crois que pour beaucoup, l’épreuve à passer se présente d’elle-même, dans notre vie. Il faut alors y faire face, autant qu’on le peut, en avançant quand même, parfois malgré tout. Quant à « remporter le prix », il ne sera sans doute pas question de médaille d’or, d’argent ou de bronze. Je me souviens d’une course de très haut niveau – JO ou Championnat d’Europe, je ne sais plus – où la dernière arrivée, loin après les premiers, et même loin après tout le monde, a reçu une magnifique ovation : elle avait tenu jusqu’au bout, et même si elle était « hors chronos », elle n’avait pas abandonné. Je crois que ce sera comme ça : le maître, qui est généreux, accueillera le dernier comme le premier…

Porteurs, porteuses de flamme…

Albocicade

Publié le 13 mai 2024 sur le blog Les cigales éloquentes.

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