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« Concitoyens des saints et familiers de Dieu »  (Éph 2,19)

Photo : p Yannick Provost

Le XXe siècle a été peut-être celui qui, dans toute l’histoire de l’Église, a produit le plus de saints – principalement martyrs et confesseurs des régimes communistes – mais il a été aussi, et cela n’est peut-être pas une coïncidence, le siècle de la libération de la théologie orthodoxe de sa « captivité de Babylone » selon l’expression du théologien Georges Florovsky. 

Par un effet indirect de l’effondrement de l’Église officielle et du soutien du régime tsariste, des orthodoxes, qui n’étaient pas toujours initialement très attachés à la vie de l’Église, se sont soudain trouvés en situation d’émigrés, contraints de rechercher ce qui faisait l’essentiel de leur identité, non seulement du point de vue ethnique mais aussi en tant que chrétiens orthodoxes. Cela a produit un admirable effort de réflexion sur l’orthodoxie, sur sa théologie, et une redécouverte du mystère de l’Église, qui s’est déroulée en parallèle d’une redécouverte de l’ecclésiologie dans les milieux théologiques catholique et protestant.

C’est sur la toile de fond d’une persécution d’une ampleur encore jamais atteinte que s’est donc déroulée cette réflexion sur le Mystère de l’Église, cette redécouverte de l’Eucharistie comme centre de la communion ecclésiastique, du sang des martyrs comme semence de chrétiens.

Si l’Église est fondée sur le Christ, « pierre d’angle », elle s’édifie et croît par le sang des martyrs et les larmes des ascètes. 

L’Église est « communion des saints » (Eph 2, 19). Il est nécessaire de rappeler cette notion qui, issue de saint Nicétas de Rémésiana (IVe siècle, fêté le 24 juin), est un article de la Confession de foi de l’Église occidentale, mais dont les orthodoxes ne comprennent pas toujours la profondeur ontologique, utilement rappelée par le Père Georges Florovsky dans son article : « La maison du Père ».

On a certes redécouvert le sens ecclésiologique de la communion, en soulignant l’importance centrale de l’eucharistie dans le Mystère de l’Église ; mais il convient de souligner que, puisque cette communion est « en » Christ, elle s’accomplit aussi dans les saints.

Le Seigneur nous a promis que là où deux ou trois seront réunis en son nom, Il serait au milieu d’eux (Mt 18,20). C’est là tout le sens de l’Église comme synaxe, comme assemblée qui devient sacrement d’elle-même, lequel est scellé par la célébration de l’Eucharistie. Deux termes sont à retenir et à examiner : synaxis et ἐπί τό αὐτό (1 Cor 11,20, approx. « dans un même lieu, ensemble ») lesquels évoquent à la fois l’assemblée en un lieu donné mais aussi le mode (τρόπος), que cette assemblée n’est Église que par la communion dans la foi et dans le même « mode d’existence ».

C’est par cette synaxe que la terre entre en communion avec le ciel, que les hommes peuvent participer à la vie divine, par imitation et communion au mode de vie des saints qui les ont précédés et leur ont préparé une place. Cette communion s’effectue en un seul Corps, qui est le Corps du Christ : corps eucharistique, mais aussi corps mystique. C’est le Christ glorifié qui siège à la droite du Père, en incluant en Lui tous les saints, du passé et de l’avenir.

Les saints sont les co-membres de ce corps mystique du Christ, dont nous faisons partie depuis notre baptême.

L’expression ἐν Χριστῷ, « en Christ », si chère à saint Paul, est en fait indissociable de « σύν πᾶσι τοῖς ἁγίοις», « avec tous les saints ».

Les murs de l’église sont couverts de leurs icônes et toute action de l’Église s’accomplit « σύν πᾶσι τοῖς ἁγίοις». Les sacrements, l’Eucharistie par excellence, ne sont que les différentes expressions de ce Corps unique du Christ. Ils constituent ses fonctions organiques qui visent à la déification de ses membres et à l’édification du Corps, jusqu’à ce qu’il parvienne à sa plénitude de Celui qui remplit tout en tout.

Cette « communion » se manifeste avant tout par la mémoire ou commémoration (μνήμη) qui, du fait de ce mystère du Corps unique du Christ, devient présence ontologique des saints par leur invocation.

La vénération liturgique des saints est donc un élément essentiel du Mystère de l’Église comme communion.

P. Macaire de Simonos Pétra (Mt Athos)

Le père Macaire, moine au monastère de Simonos Pétra (Mont-Athos), est l’auteur du Synaxaire français en six volume, ainsi que d’une étude sur le Triode : Mystagogie du Grand-Carême, essai de théologie du temps liturgique, aux éditions Apostolia.

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