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Réflexion sur la fin de vie

Photo : Alexandra de Moffarts

Au cours de la liturgie, nous prions pour une vie longue et une fin paisible. Mais lorsque nous sommes rattrapés par la maladie, nous comprenons alors que notre vie sera plus courte et notre fin pas aussi paisible que nous l’avions souhaité. 

Nous sommes alors plongés dans cet univers du soin et de ses progrès. Il faut avoir conscience des avancées médicales qui permettent, dans une majorité des cas, une chronicisation de la maladie comme le cancer par exemple.  Cela veut dire que les malades vivent plus longtemps mais dans des situations de plus en plus compliquées et douloureuses. Il se peut que dans certains cas nous soyons amenés à nous interroger sur une aide active à mourir. Actuellement, dans les unités réalisant des euthanasies en Belgique, une part non négligeable des patients vient de France. 

Il est extrêmement compliqué de parler de tant de singularités. Cependant, nous pourrions réfléchir à l’application du principe d’économie en Église pour de telles situations. Mais cela doit rester exceptionnel. Il est clair qu’entrouvrir une telle porte serait une rupture anthropologique majeure.  Il faudrait des garanties que la motivation soit purement médicale et humaine.  On pressent bien que, dans notre société telle qu’elle est, une dérive liée à des pressions économique et financière, tant de la part de l’entourage que de la société, est plus que probable. 

On parle beaucoup de la dignité en mourant ou de comment mourir dans la dignité.

Je pense que l’essentiel est de mourir en homme ou en femme, en personne, pleinement humain et paradoxalement pleinement vivant en Christ.

Pour cela, il faut que notre société permette de garantir cette humanisation jusqu’au bout.  On entend aussi fréquemment des personnes âgées ou vulnérables qui évoquent l’idée d’une aide active à mourir car elles se sentent un poids pour leur famille ou la société. Il est capital de résister et de se battre pour défendre l’humanité de chacun, notamment des plus faibles. Les considérer comme des personnes jusqu’au bout, de manière absolue, est une réponse que la société doit garantir. Mais pour cela, il faut se donner les moyens financiers, humains et sociétaux. Il n’y a rien de pire qu’une institution qui, par manque de moyens, pousse les soignants à devenir maltraitants malgré eux. Quand, par manque de temps, les gestes deviennent uniquement techniques sans la moindre once d’humanité. Affirmer notre foi, c’est aussi faire ce don, discret et humble, mais vivifiant, d’une présence à l’autre pleine de tendresse et de bonté. Soignants comme proches. C’est difficile, c’est le chemin d’une vie, c’est une forme de résistance lumineuse qui est aussi un témoignage. 

En tant que chrétien, la confrontation à la mort met notre foi à l’épreuve du feu.

Quand l’espoir de guérison s’amenuise et que la mort, ou au début son idée, se présente, nous sommes perdus, révoltés, en colère et pleins de doute face au Christ qui semble sourd à notre souffrance et à nos prières. La douleur ne devient alors pas uniquement celle du corps mais aussi une souffrance morale, psychologique, spirituelle…

Nous sommes des êtres révoltés. Nous sommes des êtres perdus.  Ce sont de telles brebis que le bon berger va chercher.

Dans cet espace-temps si particulier de l’approche de la mort, ayons conscience que nous ne sommes pas seuls.

Le Christ est là avec les vivants désemparés et Il pleure avec eux. Le Christ est là qui vient chercher le mourant et s’offre de le porter pour l’aider.

Il prend ainsi le mourant sur ses épaules afin qu’entouré de la présence humanisante et plein de tendresse et d’amour des proches et des soignants, le mourant puisse mourir « pleinement vivant », empli jusqu’au bout de son humanité.

Dans le débat actuel sur la fin de vie, il est avant tout fondamental de garantir pour tous la possibilité matérielle et médicale de vivre ce temps, en garantissant un espace dédié aux mourants : les soins palliatifs. Il ne faut surtout pas que la proposition de loi ouvrant sur le suicide assisté ou une aide active à mourir vienne pallier le manque de moyens des unités de soins palliatifs.

Ces centres palliatifs (hospitaliers ou à domicile) permettent de lutter le plus efficacement possible contre la douleur du corps, pour permettre à l’humanité de chacun de pouvoir s’exprimer jusqu’au bout. En effet, au cours de ce temps si particulier, nous touchons l’humain dans ce qu’il a de plus profond et de plus absolu. C’est cet absolu d’humanité qu’il faut préserver par notre ultime accompagnement. Il est fondamental d’humaniser, de ré-humaniser constamment, le mourant. Lui qui est si vulnérable, agressé physiquement, immobile et souffrant. 

En accompagnant la naissance au ciel d’un mourant, nous sommes aussi désemparés que le père devant sa femme qui accouche. La solitude, la douleur de celui qui meurt, nous aimerions la partager, la soulager, prendre ce fardeau et cette destinée à sa place. N’oublions pas alors, que la présence à l’autre n’est pas que verbale. Notre présence est globale et elle passe par tout notre corps, notre regard, nos mains dont le simple contact tendre suffit à ré-humaniser l’autre. Je te touche donc tu es ! Je te touche donc tu continues à être encore avec nous.  

La prière dans ces moments, nous ouvre à la présence du Christ. La prière de chacun, du mourant comme des proches, n’est pas là pour un ultime miracle mais pour permettre cette rencontre et la paix qu’elle procure qui est le miracle de l’amour divin. La prière permet aux accompagnants de se re-lever malgré le poids du destin.

Par la prière, nous prenons appui sur le Christ pour nous redresser, pour continuer à lutter. Le Christ nous aide à nous tenir.  

Oui, la foi déplace les montagnes; oui, l’amour est plus fort que le corps agonisant, que la mort. L’amour ouvre sur cette paix ultime : tu es en Christ ! Et tel le bon larron, le paradis t’es ouvert. 

Il est fondamental d’essayer de pouvoir vivre ainsi la mort, les vivants accompagnant le mourant mais le mourant accompagnant aussi les vivants. Ayons confiance dans le mourant qui se trouve sur le seuil de ce voile entre notre monde et l’au-delà, le ciel, pour nous porter à son tour. Le Christ étant au centre de cette boucle où chacun porte l’autre. Ce vécu de la mort aussi tragique, révoltant, douloureux, horrible qu’il soit, aide les vivants à continuer de vivre. 

Christ est ressuscité !

Denys Clément

Denys Clément est gynécologue-obstétricien et président de la Fraternité orthodoxe en Europe occidentale.

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