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Que le Christ nous donne sa joie !

Détail - Chapelle de la Nativité à Bethléem. Photo : P. Yannick Provost

Le Christ naît, glorifiez-Le ; le Christ descend des cieux, allez à sa rencontre ; le Christ est sur la terre, élevez-vous ; que toute la terre chante au Seigneur ; que les peuples Le célèbrent dans la joie, car Il s’est couvert de gloire (Ode 1 de la Fête, hirmos).

Telle est l’invitation, tel est l’appel, auxquels nous avons répondu, pour être présents, à nouveau, autour de l’icône de la Nativité, autour du saint Évangile, autour du Christ lui-même, le Fils unique de Dieu. L’Église du Christ se constitue par la réponse qu’apportent, au cours des siècles, et jusqu’à nos jours, des personnes de tous les milieux et de tous les peuples, à l’appel des anges, des prophètes et des saints. Nous avons ressenti dans notre cœur le doux et tendre appel à venir nous prosterner, tels que nous sommes, devant le Christ, pour l’adorer, le glorifier et le magnifier. Il est descendu des cieux et nous venons à sa rencontre

 En vérité, nous le rencontrons, non seulement dans sa parole, dans son icône et dans le culte que lui rend sa sainte Église, mais également en tout être humain. Ce que vous faites au plus petit d’entre vous, c’est à moi que vous le faites, dit le Seigneur. Ainsi, chaque fois que nous entourons avec amour une personne humaine éprouvée par la solitude, la faim, la soif, le froid, la maladie ou l’angoisse de la mort, c’est autour du Christ que nous nous réunissons. Un mystère magnifique est proposé aux yeux de notre cœur : celui de la présence du Dieu Homme en tout être humain par le saint Esprit. La réalité permanente de l’Incarnation du Fils de Dieu est le fondement de la foi chrétienne et de toute la vision chrétienne du monde, de la société et de l’histoire.

 Les anges, les bergers et les mages représentent les catégories humaines qui, avec les parents, les anonymes, les autres créatures comme les astres, les plantes, les animaux et les minéraux, c’est-à-dire l’ensemble des créatures, se réunissent autour du Christ, le Fils unique et Verbe de Dieu. Celui-ci est le centre de tout. Et la vie des baptisés dans le Christ, comme la vie de celui-ci en eux, consiste à le reconnaître comme personne centrale et réellement présente ; c’est pourquoi le tropaire de Noël chante la lumière de la connaissance. La nature entière, le visible et l’invisible, manifeste la Sagesse de Dieu, qui est en personne le Christ, le Logos : grandes sont les œuvres du Seigneur (antienne 1) ; Que toute la terre t’adore et te chante, qu’elle chante ton Nom, ô Très-Haut (prokimenon), Les cieux racontent la gloire de Dieu, le firmament annonce l’œuvre de ses mains. Le jour au jour en proclame le récit ; la nuit à la nuit en annonce la connaissance. (Ps 18, 2 versets de l’alléluia). La rationalité du réel révèle l’intelligence divine. Les savants observent la présence des raisons divines dans la matière elle-même. Les inspirés déchiffrent, dans la transparence du visible, la présence du Fils de Dieu.

La célébration de Noël, que nous sommes appelés à redécouvrir chaque année jusqu’au terme de notre vie, dans son mystère inépuisable, est donc la glorification de la présence de Dieu dans l’homme et dans le monde. La condition humaine n’est pas absurde ; l’histoire universelle n’est pas privée de sens. C’est le péché qui prive les humains du sens de la vie, de la souffrance et de la mort. Mais le Seigneur est présent comme sens suprême de tout. C’est pourquoi la lumière tellement caractéristique de Noël, prophétisée par la semaine juive des Lumières, est la luminosité du Verbe. La Parole de Dieu s’est faite homme, elle s’est rendue intelligible par l’Incarnation et par l’action du saint Esprit. Avant d’être Écriture, la Bible tout entière est parole de Dieu : et elle éclaire l’histoire universelle des hommes. Toute parole prononcée par le Seigneur, depuis le premier jour de la création, et ensuite par les prophètes, et jusqu’à celles que disent les lèvres divino-humaines de Jésus, porte la puissance de son propre accomplissement. La réalisation des paroles divines constitue le sens de l’Histoire. Derrière chaque réalité de ce monde, et derrière chaque évènement historique, se trouve une parole divine – une parole de la Parole ou Verbe du Père.

Le témoignage des saints approfondit la connaissance de Dieu par la glorification et la louange : Dieu n’est pas seulement suprêmement intelligent et sage ; Il ne se rend pas seulement intelligible en s’incarnant par le saint Esprit ; mais, en sa transcendance, Il est également inexprimable, incompréhensible, invisible, inaccessible (saint Jean Chrysostome). Pour cette raison, les croyants, répondant à l’appel de venir à sa rencontre, s’approchent de lui par la célébration, l’adoration, la bénédiction, la louange et la glorification d’un cœur pur, organe ultime de la connaissance de Dieu. L’expérience chrétienne de la connaissance de Dieu est celle de l’adoration. Il n’y a peut-être rien de plus beau qu’un homme ou une femme en adoration. C’est l’attitude suprême de la conscience qui reconnaît la Présence et se rend présente à elle. Cette connaissance adoratrice du Seigneur s’exprime par le gestuel – prosternation, signe de la Croix, station debout, agenouillement -, le chant, la proclamation de la Parole, les offrandes – encens, lumière, argent, fruits, aliments, et surtout le pain et le vin transfigurés par le saint Esprit en Corps et Sang de l’Adoré. Le Christ Lui-même a enseigné que les vrais adorateurs adorent en Esprit et en Vérité (Jean 4, 23) : avec inspiration, ceux-ci rendent hommage au Seigneur selon ce qu’Il a révélé de lui-même. En cette adoration, l’intelligence est unie au cœur. La louange est ainsi au-dessus de la compréhension : en elle est transfigurée la raison.

C’est en nous unissant au Christ Dieu que nous pouvons le connaître. Notre adoration tend à l’union intime avec lui, à la communion à sa personne. C’est pourquoi, non seulement nous l’adorons, mais encore nous mangeons son corps très pur et nous buvons son sang très précieux. Telle est la connaissance parfaite de la vérité de Dieu, de l’homme et du monde : l’assimilation de la personne du croyant à la personne du Seigneur par le saint Esprit. L’être humain peut connaître Dieu en devenant, non qui Il est, mais ce qu’Il est. Les Pères ont enseigné la divinisation de l’homme par le saint Esprit, parce que c’est là la conséquence ultime de l’Incarnation. Or, le signe de la divinisation de l’être humain, de sa sanctification et de son assimilation au Christ Sauveur, c’est l’amour des pauvres et des souffrants, le dévouement aux petits, l’oblation de nous-mêmes à ceux qui, comme les petits enfants, n’ont rien à nous offrir qu’eux-mêmes. Nous ne sommes pas seulement appelés à nous réunir autour du Christ et à l’adorer ; notre vocation est de lui ressembler au maximum dans les limites et au-delà de notre vie terrestre. Ainsi, en effet, Il agira en nous ; Il glorifiera en nous sa propre présence. Présent dans son monde et dans toute l’humanité, Il se montrera présent dans nos personnes.

La joie des chrétiens en ce temps de la Nativité et de la Théophanie – manifestation de Dieu à son monde – découle de la conscience que la parole créatrice est présente dans la création et en nous-mêmes. Ce n’est pas une joie insolente ou égoïste, qui mépriserait la souffrance des humains. Elle accompagne au contraire une connaissance très réaliste de la condition humaine, des horribles maux que les hommes font subir aux autres, de l’exploitation des enfants otages ou asservis aux caprices et aux prétendus droits des adultes. Notre joie est paradoxale. Elle resplendit dans les ténèbres de la déshumanisation. Elle est l’espérance folle dans une humanité qui peut, malgré tout, rester humaine ou même devenir de plus en plus humaine grâce à l’humanisation de Dieu et à la divinisation des saints. Le fruit de l’Incarnation divine, c’est l’humanisation maximale de l’homme. Quel que soit le scandale de l’injustice faite aux innocents, ou celui de la souffrance et de la mort qui paraissent elles-mêmes tellement injustes, notamment celle des petits enfants, ne quittons pas la joie du Christ, la joie de sa présence ; ne cessons pas de glorifier, par notre prière et par nos actes, sa présence réelle en toute joie et en toute peine humaine. Si nous quittons la joie du Christ, nous quittons le Christ, et nous n’avons plus rien à dire à ce monde qui se croit abandonné.

D’innombrables occasions nous sont fournies par le saint Esprit pour manifester l’amour et la joie du Christ autour de nous : ne les évitons pas ! Coopérons au contraire avec le saint Esprit pour le salut du monde entier, pour la joie de nos proches, de toutes les créatures et même de nos ennemis. Par ce même Esprit saint, soyons les instruments actifs de la justice lumineuse du Christ et surtout de sa compassion et de sa tendresse pour tout être humain, croyant ou incroyant.

Que le Christ notre vrai Dieu vous donne en abondance sa joie pour la répandre autour de vous ! 

Métropolite Joseph 

Mgr Joseph (Pop), ordonné prêtre en 1993 et sacré évêque en 1998, est aujourd’hui à la tête de la Métropole orthodoxe roumaine d’Europe occidentale et méridionale.

Source : Message du métropolite Joseph publié à l’occasion de la fête de la Nativité du Seigneur en 2012

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