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La Slava serbe à travers les siècles

Parmi les fêtes orthodoxes propres à un pays en particulier figure la slava serbe. Nous avions déjà présenté cette belle tradition dans un article précédent. Nous aimerions revenir maintenant sur les origines de cette fête et sa signification historique pour la Serbie.

Les origines de la fête sont anciennes. Certains disent qu’elle serait le vestige d’une ancienne coutume païenne : chaque foyer avait son dieu protecteur, un équivalent des Lares romains, et les familles consacraient au moins un jour par an de festivités en son honneur. A cette occasion, on célébrait également la mémoire des défunts de la famille. Après la conversion des Slaves au 10ème siècle, cette coutume se serait maintenue, au point qu’au 13ème siècle, le premier archevêque de Serbie, Saint Sava, aurait confié à son clergé d’œuvrer pour christianiser cette coutume.

Et de fait, la christianisation s’est si bien faite qu’aujourd’hui encore, on ne sait pas dans quelle mesure la forme actuelle de la slava relève de l’ancienne pratique païenne ou d’une coutume spécifiquement chrétienne. Elle résulte probablement d’un syncrétisme des deux coutumes.

En effet, l’autre origine possible de la slava serait uniquement chrétienne. Elle serait un souvenir du premier baptême familial au 10ème siècle, comme le prouve l’autre appellation de la slava : « fête baptismale ». À l’époque de la christianisation des Slaves, des foules entières étaient baptisées dans les fleuves et les lacs. En souvenir du jour où la famille s’est jointe à l’Église du Christ, les familles auraient choisi comme saint protecteur celui dont on célébrait la fête le jour du baptême. De nombreuses familles ont le même saint protecteur, peut-être parce des familles entières étaient baptisées ensemble. D’autres disent que le saint protecteur familial était à l’origine le saint patron de l’église du village. Malgré les déplacements de population, les familles du village auraient gardé la mémoire du saint patronal de leur village d’origine. Les familles serbes sont nombreuses en particulier à avoir comme saint protecteur saint Élie, saint Georges, Saint Dimitri et surtout saint Nicolas. Une anecdote serbe raconte que toute la Serbie fête la Saint-Nicolas : la moitié célèbre sa slava, l’autre moitié est invitée !

Si c’est avant tout une fête religieuse, la slava est très liée à l’identité nationale serbe : au cours des siècles, elle est devenue un symbole national fort, fédérateur, et se définirait comme serbe celui qui est « chrétien orthodoxe serbe, c’est-à-dire qui célèbre la slava » (B. Sterlund). La fête s’est maintenue malgré le prosélytisme et les tentatives des missionnaires catholiques, jusqu’au 14ème siècle, de rattacher la Serbie au siège de Rome. À cette date, le pays tombe sous le joug ottoman pour quatre siècles. Durant cette période, en fonction des décennies, les Serbes bénéficiaient d’un statut plus ou moins favorable, et ils ont parfois vécu avec l’interdiction de célébrer des offices religieux et de construire des édifices de culte. La slava restait alors l’une des seules célébrations plus ou moins autorisées, en tant que fête familiale, et elle était un symbole identitaire reliant les Serbes entre eux ainsi qu’un élément de la conscience nationale au sein de l’Empire Ottoman. Au 20ème siècle, sous le communisme, la slava continuait également à être célébrée comme « culte domestique », malgré la politique antireligieuse de l’État et l’interdiction de culte officiel. Comme l’écrit le père Radomir en 1998, l’interdiction du culte orthodoxe durant certaines périodes historiques est « une des raisons pour laquelle le rôle de la slava familial revêt une telle importance et est si précieux chez les Serbes. À certains moments de l’histoire, la slava fût l’élément qui était amené à remplacer presque toute la vie spirituelle et ecclésiastique de notre peuple ».

Aujourd’hui, le principe même de la slava, c’est-à-dire d’avoir un saint protecteur pour la famille entière, est repris dans d’autres pays que la Serbie. Certaines familles en France ou en Russie choisissent comme protecteur le saint du jour de leur baptême pour les convertis ou un saint particulièrement vénéré dans la famille pour les autres.

Petite remarque : Il existe également des slava pour les villages, les églises, les corps de métier, les monastères, les écoles, les institutions, qui ont donc chacun un saint patron, comme cela se faisait de manière semblable jadis en France. Néanmoins, la slava familiale est la plus importante.

Xénia Cr.

Xénia Cr. est chercheuse dans le domaine environnemental, cheffe de chœur et catéchète. Elle est également membre fondatrice de l’équipe éditoriale des Chroniques du Sycomore.

Pour aller plus loin :

  • Dimitrijevic Dejan. Le rituel de la slava et l’imaginaire communautaire de l’unité. Les Roumains de Homolje et les Serbes en France. In: Revue européenne des migrations internationales, vol. 16, n°2,2000. Fêtes et rituels dans la migration. pp. 91-117.
  • Sterlund B., « Serbian Nationalism, History and the ‘New Europe’ », Études et documents
    balkaniques et méditerranéens
    , 17, Laboratoire d’anthropologie sociale, Paris 1993.
  • Père Dr Radomir Popvic, L’Église serbe à travers l’histoire, Belgrade. Les Théologiens Orthodoxes de formation universitaire, 112 p, 1998.

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