La Proscomidie, ou la Prothèse, est le rituel de préparation des Saints Dons accompli par le prêtre, avant la Divine Liturgie, dans le Sanctuaire. Le pain béni utilisé pour les Saints Dons est appelé prosphore, du grec πρόσφορον : c’est un pain constitué de deux parties superposées, qui symbolisent les deux natures unies du Christ, portant une empreinte en forme de Croix avec l’inscription grecque IC XC NIKA – Jésus Christ vainqueur. Le prêtre célébrant découpe la prosphore, à l’aide d’un petit couteau dit « sainte lance », symbole de l’arme du centurion romain qui a percé le flanc du Christ sur la Croix, sur une petite assiette en métal dorée, appelée patène (ou discos).
Saint Nicolas Cabasilas explique pourquoi le prêtre trace sur le pain les symboles de la passion du Christ :
« Ce pain ainsi détaché, tant qu’il reste sur la prothèse n’est que du pain. Il a seulement reçu cette qualité d’avoir été offert à Dieu et d’être devenu oblat[1], puisqu’il signifie le Christ à cette première période de sa vie mortelle où il devint oblation. […] Mais les souffrances que le Christ endura plus tard dans son corps pour notre salut, sa croix et sa mort avaient été figurées d’avance dans l’ancienne Loi. Voilà pourquoi, avant d’apporter le pain à l’autel et de l’y offrir en sacrifice, le prêtre s’attache à marquer d’abord sur lui ces divers symboles »[2].
Plusieurs parcelles sont découpées et disposées selon un ordre très précis sur la patène. Au centre de la prosphore : l’Agneau, la parcelle la plus importante qui, une fois consacrée pendant la divine Liturgie, deviendra le Corps du Christ et sera reçue comme telle par le clergé et les fidèles lors de la Communion. Sur la patène, le prêtre célébrant dépose aussi d’autres parcelles en forme de pyramide : une grande pour la Mère de Dieu, neuf plus petites pour tous les Saints, ainsi que d’autres petites parcelles : celle à gauche pour les vivants, celle à droite pour les morts. Le prêtre prie en prononçant le nom des vivants et des morts inscrits par les fidèles, sur des listes apportées au sanctuaire et appelées dyptiques[3].
On peut se demander si les défunts sont sanctifiés par les dons de la même manière que les vivants. Saint Nicolas Cabasilas l’affirme sans ambiguïté, soulignant ainsi le caractère déterminant du sacrifice eucharistique pour ceux qui ne sont plus dans ce monde.
« Ces rites divins et sacrés se montrent sanctifiants de deux manières. La première c’est par médiation : les dons offerts, du seul fait d’être offerts, sanctifient ceux qui les offrent, ainsi que ceux pour qui on les offre, et leur rendent Dieu propice. La seconde manière, c’est par la communion, au moyen de laquelle ces offrandes deviennent pour nous un véritable aliment et un véritable breuvage, selon la parole du Seigneur. De ces deux manières, la première est commune aux vivants et aux défunts, car le sacrifice est offert pour l’une et l’autre catégorie. Mais la seconde n’est permise qu’aux vivants, puisque les morts ne peuvent plus manger ni boire. […] Mais quelles sont donc alors, pour ceux qui sont sanctifiés, les causes de cette sanctification ? Et quelles sont les conditions que le Christ exige de nous ? Pureté de l’âme, amour de Dieu, foi, désir du sacrement, ardeur pour la communion, élan fervent, empressement assoiffé […] Or, ces conditions ne sont pas choses corporelles, mais dépendent seulement de l’âme. Rien donc n’empêche les âmes du défunt de les réaliser comme celles des vivants »[4].
Les parcelles représentent les vivants et les morts qui demandent à vivre en communauté avec le Christ, avec sa Mère, avec ses Saints, mais aussi les uns avec les autres. Ils demandent ainsi à partager la grâce divine des Saints.
Après la communion, à la fin de la divine Liturgie, l’ensemble des parcelles prélevées est plongé dans le calice par le prêtre célébrant qui prie pour que les péchés des vivants et des morts dont il a été fait mémoire soient effacés : « Lave Seigneur, par Ton sang précieux et les prières de Tes saints, les péchés de ceux dont il a été fait mémoire ici ».
Michel Simion
Michel Simion est un essayiste, traducteur de textes théologiques et professeur d’histoire moderne et contemporaine. Diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris (1983) et de l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge (2016), il a traduit et a fait connaitre en France les homélies de Nicolae Steinhardt aux éditions Apostolia. Il a lui-même publié aux Éditions Apostolia et aux Éditions de L’Harmattan.
Source : Extrait du livre « Par la mort Il a vaincu la mort », Éditions L’Harmattan.
[1] Du latin oblatus offert ou encore oblatio don
[2] N. CABASILAS, Explication de la Divine Liturgie, Trad. S. Salaville, Sources chrétiennes, Ed. du Cerf, Paris 1967, p. 81
[3] Dyptique, du grec δίπτυχος, deux volets.
[4] N. CABASILAS, Ibidem, p. 241 – 243
Les commentaires sont désactivés.