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Brève histoire du monastère de St Sabbas le Sanctifié

photo : p Yannick Provost

Avec plus de 1500 ans d’activité ininterrompue, la sainte et vénérable laure de saint Sabbas, fondée en 483 et située dans le désert de Judée à une douzaine de kilomètres de Bethléem, constitue un phénomène unique dans l’histoire de l’Église, en raison de son apport à la structuration du culte orthodoxe, à la vie monastique et à l’hymnographie, et également parce qu’elle a donné à l’Église une multitude de saints moines, de grands théologiens et de nombreux martyrs.  

Un vivier de saints, un lieu de théologie et de productions liturgiques

Le monastère a été fondé par saint Sabbas le Sanctifié (439-532). Le noyau de la première laure était formé par les soixante-dix anachorètes qui se réunirent autour de saint Sabbas à la fin du Ve siècle. Saint Sabbas a pratiqué sa vie érémitique dans une grotte située sur le versant est du ruisseau du Cédron, et plus tard, avec l’arrivée d’un grand nombre de moines, la laure fut déplacée au côté ouest, où une grande grotte naturelle « créée par Dieu » fut transformée en église. Cette première église est aujourd’hui dédiée à saint Nicolas, elle accueille les ossements des centaines de moines martyrs au cours des siècles. L’augmentation du nombre de frères a imposé la construction d’une grande église dédiée à la Mère de Dieu en 501. La renommée de la sainteté de saint Sabbas a amené le patriarche de Jérusalem à le nommer dès 493 chef et législateur de tous les anachorètes de Palestine, et c’est ainsi que la laure est devenue le prototype de la vie monastique et de l’ordre liturgique, fixant un Typikon qui sera bientôt adopté par toutes les églises de la région. L’invasion de la Terre Sainte par les Perses en 614 fut le préambule à l’arrivée de l’Islam en 638. Le 16 mai 614, quarante-quatre moines furent tués par les Perses, ce fut le début d’une longue lignée de saints martyrs.

Photo : P. Yannick Provost.

Après la conquête arabe et la réorganisation de la Laure par le patriarche Modeste, une nouvelle période lumineuse débute pour le monastère. Le théologien le plus important du VIIIe siècle, saint Jean Damascène, les saints hymnographes Côme et Stéphane, les saints Théodore et Théophane les Marqués, de nombreux saints évêques, théologiens, mais aussi martyrs ont été moines dans le monastère de Saint-Sabbas. Outre les écrits théologiques produits à la laure, il y avait également une grande activité de rédaction et de traduction. Elle devint également le centre de l’éducation géorgienne du VIIe au Xe siècles, ainsi que le centre de traduction des écrits ecclésiastiques du grec à l’arabe. Un exemple caractéristique : les célèbres Discours ascétiques de saint Isaac le Syrien qui ont été traduits du syriaque au grec à la laure à la fin du 8e siècle. Du 9e au 13e siècle, l’ordre liturgique, le Typikon liturgique de la laure ainsi que les hymnes composés par les saints hymnographes du monastère ont été largement diffusés dans l’ensemble du monde chrétien. Le Typikon de la laure a grandement influencé l’ordre liturgique monastique. La diffusion simultanée du nouveau style d’hymnes, principalement développé par saint Jean Damascène et l’école de hymnographes de Saint Sabbas, à savoir le Canon, a également été un élément très important. La production hymnographique de la laure est devenue la base de la structuration du culte de l’Église après l’iconoclasme. L’établissement de l’octoèque (huit tons) dans la mélodie des hymnes, attribué à saint Jean de Damas, a prévalu dans l’ensemble de l’Église. 

Le monastère, défenseur de la foi orthodoxe au fil des siècles

Après avoir été à son origine très active dans la lutte contre le monophysisme, et plus tard contre les iconoclastes, la laure retrouve en 808 une occasion de jouer le rôle de défenseur de la foi orthodoxe. Sous la direction de l’higoumène Jean, le clergé et les laïcs s’opposèrent à l’hérésie du Filioque, soutenue par les moines bénédictins présents au Mont des Oliviers.

L’opposition des orthodoxes de Palestine fut si forte que les bénédictins durent demander l’aide du pape de Rome Léon III et de l’empereur Charlemagne. L’empereur d’Occident convoqua le synode d’Aix-la-Chapelle en 809 et officialisa l’hérésie, tandis que le pape Léon s’opposa énergiquement à l’ajout du Filioque dans le Credo.

Pendant les Croisades, la laure prend une place très importante en raison de l’absence de patriarche orthodoxe à Jérusalem (exilé à Constantinople). La laure est dotée de nouvelles propriétés foncières par la reine Mélisanthe, et l’église de la Mère de Dieu et ses fresques sont rénovées par l’empereur Manuel Comnène en 1169. 

Photo: P. Yannick Provost.

Le Typikon, un ouvrage qui structure encore aujourd’hui nos offices

Un événement déterminant pour l’avenir du culte orthodoxe a été la diffusion du nouveau Typikon liturgique Sabbaïte, fusion de l’ancien Typikon de Saint-Sabbas avec des éléments du Typikon du Studion. Le typikon est un livre liturgique qui contient des indications sur le déroulement des offices, selon l’usage propre à un lieu. Ce nouveau Typikon a supplanté le Typikon des monastères du Studion et d’Evergetidos et a été établi à Constantinople aux XIIIe et XIVe siècles. À la même époque, le Typikon a été diffusé en Serbie par saint Sabbas de Serbie (1175-1236). Pendant la querelle des hésychastes au Mont Athos, le nouveau Typikon y a été établi sous une forme révisée et, grâce au rayonnement de la théologie hésychaste, il s’est répandu dans le reste des Balkans, en Bulgarie et en Russie. Depuis son établissement définitif au XVIe siècle, ce Typikon constitue le Typikon liturgique pour l’ensemble du monde orthodoxe jusqu’à ce jour.

Le monastère à l’épreuve des vicissitudes de l’Histoire

La présence turque en Palestine avec le sultan Selim s’est accompagnée d’un nouveau massacre des moines sabbaïtes, ce qui a entraîné des conditions de vie difficiles pour le monastère. Bien qu’au cours des années 1533-1753 plus de trente décrets des sultans aient accordé des exemptions d’impôts et permis des travaux de reconstruction à la Laure, ainsi que la protection et les droits des pères, ces derniers ont tout de même subi une multitude d’épreuves. La forte présence de moines serbes dans la laure a été bénéfique lorsque les moines grecs se sont faits rares au XVIe siècle. 

Le corps de saint Sabbas avait été emporté à Venise durant les Croisades ; son retour en 1965, après des siècles d’absence a été une immense bénédiction pour tous les chrétiens orthodoxes de Terre Sainte. Il a renforcé leur confiance en Dieu et donné la preuve de l’intercession paternelle et incessante du saint pour sa laure. Aujourd’hui encore, la vie spirituelle de la laure et ses diverses contributions à la résolution des problèmes locaux, à la communauté orthodoxe et aux nombreux pèlerins confirment l’importance de saint Sabbas et du monastère qu’il a fondé.

La fête de St Sabbas au monastère : trois jours de festivités

Photo : P. Yannick Provost.

Saint Sabbas le Sanctifié est célébré par l’Église le 5 décembre, mais cette fête donne lieu chaque année au monastère à trois jours consécutifs de festivités. En effet, saint Jean Damascène est fêté le 4 décembre ; une petite église, dédiée à sainte Barbara, également fêtée le 4 abrite la cellule qui fut occupée par saint Jean Damascène quand il y était moine. La plus ancienne église du monastère, appelée « église créée par Dieu » qui est établie dans une grande grotte naturelle, est dédiée à saint Nicolas, fêté le 6 décembre. Ainsi, trois jours consécutifs, les 4, 5 et 6 décembre est célébrée la grande fête du monastère, réunissant de très nombreux fidèles de l’Église de Palestine.

En Grèce, du 4 au 6 décembre, Nikolobarbara inclut les jours de fête de sainte Barbara, saint Sabbas et saint Nicolas. Ces jours sont considérés comme annonçant le début d’un temps froid vraiment hivernal, dans les maisons on prépare l’hiver, en faisant rentrer du bois pour le foyer par exemple. On dit aussi que le temps de Noël sera le même que celui de ces jours-là. Un dicton populaire dit en effet : Απ’ τα Νικολοβάρβαρα αρχίζει κι ο χειμώνας. À Nikolobarbara commence l’hiver.

Père Yannick Provost

Le père Yannick Provost est recteur de la paroisse Saint-Jacques-frère-du-Seigneur, à Quimper, et Saint-Jean-de-Cronstadt-Saint-Nectaire-d’Égine, à Rennes. Il est aussi membre fondateur de l’équipe éditoriale des Chroniques du Sycomore.

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