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Dieu est la source de notre foi

Commençons par l’étymologie. La foi est le fait de croire ; c’est la sécurité, par opposition à la peur. C’est aussi la confiance, ainsi que la fidélité. Selon le philosophe arabe Al Ghazali, la foi est une lumière projetée par Dieu dans le cœur de l’homme, comme pour dire que Dieu en est la source – ce qui est le cas aussi dans le christianisme. La foi est reçue par l’homme, qui y répond par l’obéissance manifestée dans la piété et les bonnes mœurs.

Il ne s’agit donc nullement d’une activité rationnelle, quoique la raison y joue un rôle récepteur. La raison n’est pas l’initiatrice de la foi, quand bien même la philosophie médiévale a déployé des efforts pour aboutir à ce qu’elle désigna par les preuves de l’existence de Dieu.

Il est certes possible d’admettre rationnellement l’existence d’un Créateur, mais la preuve rationnelle ne saurait déclencher cet élan du cœur vers Dieu, vers la fréquentation de Dieu, dans le sens de ce que certaines philosophies appellent l‘expérience, voire la dégustation de Dieu. Si la foi effectue une résurrection ontologique dans l’ensemble de l’existence humaine, elle ne pourrait être le simple aspect d’un discernement logique. Un ami qui connut une période d’irréligion, me dit un jour qu’il rejetait tout ce qui n’était pas dicté par sa raison. Si ta raison faisait toute ton existence, lui dis-je, comment aurais-tu donc choisi ton épouse ? Ton amour pour elle n’est point commandé par ta raison, y aurait-elle participé de quelque façon. Ou encore est-ce ta raison qui décida que les symphonies de Beethoven sont incontestablement la meilleure musique ? Le comportement humain est tel que personne ne se conduit uniquement selon ce que lui dicte sa raison.

Dans le christianisme, Dieu est le seul objet de la foi. C’est pourquoi il est dit dans le Credo : Je crois en un seul Dieu ; et d’ajouter : et en un seul Seigneur Jésus-Christ. En effet, être Seigneur signifie être Dieu. Pour les chrétiens, Marie n’est pas un objet de foi, mais de vénération. Les saints non plus, quoiqu’on sollicite leur intercession. Il en va de même pour les prophètes de l’Ancien Testament. On croit pourtant en leurs livres, comme faisant partie de la Révélation divine.

Par ailleurs, croire en quelque miracle postérieur aux miracles du Christ n’a pas valeur de dogme. Les gens sont libres de croire ou non aux apparitions des saints ; libres aussi d’accepter ou non les miracles d’une icône. Tout ce qui tient à la créature n’est pas inclus dans le dogme de la foi. Que telle ou telle femme reçoive des messages du ciel est chose possible ; on n’est pourtant pas tenu d’y croire. A chacun de donner crédit ou non au fait d’accourir vers les lieux de miracles. Mais pourquoi avons-nous besoin de miracles pour raffermir notre foi en Dieu ? En ces derniers temps, Dieu nous a parlé par son Fils. Si l’on se trouve en charge de personnes à la foi vacillante, qu’on les renvoie au Livre de Dieu. Celui qui ne s’y fie pas ne sera jamais convaincu par quelque apparition postérieure.

Il existe une religion populaire bourrée de légendes, prompte à l’effusion des émotions et des sentiments, saturée d’hallucinations, dont les adeptes nous harcèlent pour y croire. Or, nous sommes comblés de la résurrection du Seigneur, de sa présence dans l’évangile et dans l’eucharistie.

Rares sont les croyants à la foi vive, qui avouent dans leur for intérieur que Dieu est tout pour eux. Celui qui compte sur son argent ou sur sa santé manque de s’en remettre à Dieu et ne Le rencontrera pas sur son parcours d’existence. Il s’accumule dans la mémoire des gens un imaginaire et un langage religieux empruntés à leur milieu, qu’ils prennent pour un souffle de pensée divine dans leur âme, mais qui ne sont rien. Il s’agit d’une religion qu’ils s’inventent eux-mêmes, pensant qu’elle leur servira de fétiche contre la maladie et l’indigence. Parfois, ce n’est qu’une fable qui vient corrompre la dévotion véridique dont elle est originaire. La religion est très dangereuse quand elle n’est pas constamment purifiée par la grâce de Dieu. Faute de s’unir à Dieu, à l’amour de Dieu, on serait envahi par le paganisme sans le savoir. Ce genre de religion teintée de mythes n’est que trop répandu.

Le clergé n’est pas automatiquement préservé par Dieu de cette religion médiocre. Si celui qui porte l’habit noir n’est pas transformé par le bras du Très-Haut, sa robe n’est rien que du tissu. La charge confiée au prêtre ne garantit pas sa sainteté. Souvent une telle charge s’imprègne de l’amour du pouvoir ou de la passion de l’argent. Tout supérieur n’est pas forcément libéré de ses passions ; ayant les choses sacrées pour métier, il pourrait se figurer les avoir atteintes. Alors s’accomplirait l’adage anglais : le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument, jusqu’au jour où Dieu nous verra tous dénudés dans le tombeau. A vrai dire, la foi n’est pas garantie dans tous les rangs du clergé. C’est pourquoi les anciens moines se dérobaient du sacerdoce en s’enfonçant dans le désert. La hiérarchie ecclésiastique est – ou pourrait être – l’école de la haine. Les Arabes avaient raison en déclarant : Le pouvoir n’est pas donné à celui qui le convoite. Le problème est que les gens innocents ne reconnaissent pas les hommes malveillants et perfides, comme si Dieu ne sauvegardait les bons que par la mort des méchants. Mais l’autre problème est qu’on n’a pas le droit d’attendre cette mort ; c’est la prescience divine qui en décide sans nous le révéler.

On n’aura d’autre consolation que de contempler la Face de Dieu, sachant qu’il dirige son Église par son Esprit Saint et que patienter est notre lot, jusqu’à ce que le Seigneur nous emmène auprès de lui pour rejoindre le rang des justes.

Que l’on veille donc pour ne pas contracter la malveillance et la perfidie, car le jour viendra peut-être où les hommes purs seront rares. C’est la vision de Jésus concernant la fin des temps. Face à la décadence générale, on n’a qu’à se tenir sur sa croix jusqu’à la dernière goutte de sang.

Les personnes intelligentes me questionnent d’habitude sur la relation entre la foi et la connaissance. Ceux-ci suivent le principe de la raison, alors que les gens de foi suivent le principe de la certitude, comme si les deux se rencontraient difficilement. Mais prétendrions-nous, les adeptes de la foi, veiller sur Dieu, alors qu’Il est le Protecteur ? Saint Cyrille d’Alexandrie dit : Il est indispensable que tu croies pour que tu puisses comprendre… la connaissance vient après la foi. Vint ensuite saint Augustin pour dire : Nous croyons pour raisonner ; nous ne raisonnons pas pour croire. C’est en montrant l’excellence de la foi qu’on avance dans la connaissance. Pour plus de précision, citons saint Jean Chrysostome : Par la foi, nous parvenons à la connaissance des choses divines. La foi est la première condition de la connaissance ; c’est elle qui y conduit la raison.

La foi n’est pas une question de preuves logiques. Elle provient de la confiance en Dieu. Saint Jean Cassien dit : Afin de croire, je dois avoir la certitude de connaître celui qui a parlé. Mettons les preuves de côté : en effet, il faut se servir de la raison en proportion à la foi donnée par Dieu.

Regardant tous les gens choir comme des moustiques en s’affairant pour chercher leur propre ruine et celle des autres, je réalise que ce sont des sans-dieu qui cherchent à masquer leur irreligion. Mon âme est triste jusqu’à la mort parce que les croyants deviennent rarissimes. Pourtant, nous savons bien que l’humanité est sauvée en puissance, et que nous sommes appelés à renouveler notre fraternité par le Saint-Esprit, jusqu’à ce que le Seigneur mette fin aux temps mauvais par des Pâques éternelles.

Métropolite Georges Khodr

Mgr Georges Khodr, né en 1923, évêque émérite du Mont-Liban, est une voix majeure du christianisme au Moyen-Orient. Théologien renommé, engagé dans la vie de son pays, il fut l’un des fondateurs du Mouvement de Jeunesse Orthodoxe (MJO) au Liban.

Texte initialement publié le 17 septembre 2011 dans le journal An-Nahar, Beyrouth. Traduit par le monastère de Kaftoun.

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