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C’est le jour de l’Anti-Pâques…

L’incrédulité de Thomas, enluminure de Jean Bondol, 1372, Meermanno Koninklijke Bibliotheek, La Haye, Pays-Bas

Pour nous, dans l’Église orthodoxe, le dimanche de Thomas porte aussi le nom révélateur de « Anti-Pâques » :  Ἀντίπασχα. Non que « anti » exprime ici une opposition ; il souligne au contraire une correspondance, une équivalence par une espèce de symétrie : on peut parler de fête « en miroir » qui reflète, confirme et prolonge la Résurrection du Seigneur.

Peut-être à la manière dont nous authentifions à notre tour la Bonne Nouvelle annoncée par les saintes Femmes « Le Christ est ressuscité ! » en attestant « En vérité, Il est ressuscité ! ». Et si, en effet, la Résurrection du Seigneur ne suffisait pas et nécessitait d’être authentifiée par l’attitude de ses disciples dont nous sommes ? Cela ne serait pas surprenant puisque dans la longue histoire d’amour entre Dieu et notre humanité, toute initiative divine, trinitaire, toute grâce de sa part nécessite toujours l’adhésion libre de notre volonté. 

Je le répète souvent et volontiers, le philosophe athée Frédéric Nietzsche prétendait : « Je croirai en Dieu lorsque les chrétiens auront des gueules de ressuscités ! ». Comme il a bien raison de nous le rappeler ! S’inscrivant en cela dans ce que nous enseigne saint Paul lui-même : « Si donc quelqu’un est dans le Christ, c’est une créature nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est déjà là » (2 Cor 5, 17). Et surtout : « Nous tous qui avons été baptisés dans le Christ, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés. Par le baptême nous avons donc été ensevelis avec lui dans sa mort afin que, comme le Christ est ressuscité des morts (…), nous vivions, nous aussi, dans une vie nouvelle » (Rom 6, 3-5). La lecture des Actes des Apôtres, ce jour, ne nous apprend rien d’autre, ne nous montre rien d’autre que des disciples ayant des … gueules de ressuscités : « Le peuple faisait leur éloge à haute voix, si bien qu’une multitude d’hommes et de femmes accroissait de plus en plus le nombre de ceux qui croyaient au Seigneur » et encore : « Pleins d’animosité, le grand prêtre, et tout son entourage, à savoir le parti des Sadducéens, ceux qui, justement étaient déjà venus provoquer le Seigneur à propos de résurrection – cf Mc 12,18 ; Mt 22,23, Lc 20,27] firent arrêter les apôtres et les jetèrent en prison. Mais, pendant la nuit, un ange du Seigneur ouvrit les portes de la prison, les mena dehors et leur fit : ‘Allez et, en vous tenant dans le Temple, annoncez au peuple toute parole de vie’ ».

A nous aussi cet ange est apparu, dimanche dernier, pour nous annoncer, cette fois, le tombeau vide et la Résurrection du Christ. Qu’allons-nous faire à présent, afin de vivre désormais plus intensément la présence du Ressuscité, la confirmer aux yeux du monde par la Vérité et la Lumière dont nous allons témoigner par les actes mêmes de notre existence ? 

Car le jour de la Résurrection, le 8e jour, ne marque pas le redémarrage d’une nouvelle série hebdomadaire, semblable à la précédente, dans une espèce d’éternel retour d’une effrayante banalité, fatalité à laquelle nous serions condamnés pour toujours. En ressuscitant, le Christ, notre Seigneur et notre Dieu, nous a définitivement libérés de la mort et du péché. Il vient aujourd’hui parmi nous comme Il est apparu au milieu de ses disciples pour confirmer cette présence victorieuse – ne nous dira-t-il pas bientôt « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » ? (Mt 28,20) – et pour proposer à chacune et chacun d’entre nous d’être les témoins authentiques de la Résurrection. C’est cela dont il est question dans l’épisode mettant en présence Thomas et le Ressuscité. Le Christ avait – en vérité – besoin de l’adhésion personnelle de ce disciple au même titre que celle des autres apôtres, de la nôtre aussi, et c’est ce qui nous vaut cette reconnaissance de la Vérité : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » qui va bientôt mettre en marche le disciple Thomas et le pousser jusque dans le sud de l’Inde au service de l’Évangile.

Nous aussi, dont le but ultime est la vision de Dieu, de voir dans la présence du Ressuscité le Dieu inconnaissable, sachons écouter les paroles par lesquelles Il se manifeste parmi nous en nous saluant : « La paix soit avec vous ! », sachant que l’existence – ou non – de cette paix parmi nous sera – ou ne sera pas – la façon dont nous témoignerons désormais de cette présence. Prenons au sérieux son invitation : « Avance ici ton doigt, et regarde mes mains (mes plaies) ; avance aussi ta main, et mets-la dans mon côté ; et ne sois pas incrédule, mais croyant », nous souvenant de ce qu’Il nous a dit auparavant : « Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères [étranger, malade, en prison], c’est à moi que vous les avez faites » (Mt 25,40). Enfin, écoutons-Le répondre à Thomas : « Parce que tu m’as vu, tu as cru. Bienheureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! ». 

A propos de foi, et d’orthodoxie, donc de foi authentique, saint Irénée de Lyon, dans son traité Contre les hérésies nous apprend, dès le 2e siècle : « la gloire de Dieu c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme c’est la vision de Dieu » (A.H. IV, 20,7). Prenons cela à la lettre, tous ensemble, afin d’être nous aussi, pour toujours, vivants avec le Christ ressuscité, et de manifester aux yeux du monde, par notre existence chrétienne authentique, la réalité de cette Résurrection qui, nous l’avons dit, dépend aussi un peu de nous et de l’accueil que nous lui réservons.

Alors, peut-être que le Seigneur, le moment venu, nous accueillera avec une formule encore plus généreuse que celle employée vis-à-vis de Thomas : « Parce que tu as cru, … tu m’as vu ».  

Père Alain Monnier

Le père Alain Monnier a été ordonné au sein de l’archevêché de tradition russe en Europe occidentale pour servir la paroisse Saint-Brieuc dont les célébrations ont lieu sur deux sites : Plumaudan, près de Dinan, et Plérin, près de Saint-Brieuc. Père de cinq enfants, il a enseigné les lettres en collège et en lycée. Titulaire d’un DEA en Sciences humaines, il prépare actuellement un master spécialisé (ThMs) à l’Institut Saint-Serge, consacré à l’œuvre de Myrrha Lot-Borodine.

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