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Comment transmettre la foi ?

On ne peut, en réalité, transmettre la foi : elle est un don de Dieu.

En revanche, on peut créer les conditions optimales qui permettront à une personne de découvrir qu’elle peut, elle aussi, recevoir un tel don. 

Les enfants

Comment des parents croyants peuvent-ils partager leur foi avec leurs enfants ? Ils ont la grande faculté, en pratique, de transmettre, dans la vie de famille, une atmosphère globale. Ainsi, les enfants seront portés dans un milieu et dans un esprit de prière, qui auront pour effet de favoriser l’éveil de leur foi. 

Bien plus que les adultes, les enfants ont la capacité d’imiter et de reproduire. Cela est primordial : s’ils voient leurs parents prier, s’intérioriser, alors eux aussi prieront et s’intérioriseront. 

De plus, les parents ont un rôle d’éducation et peuvent donc attendre de leurs enfants qu’ils posent des actes : non seulement qu’ ils aillent à la liturgie le dimanche mais qu’ils prient le soir, qu’ils bénissent le repas, etc. De la sorte, les enfants seront pris dans un rythme et dans une discipline de vie. Ils pratiqueront d’autant plus aisément que leurs parents le font déjà sous leurs yeux. 

Un tel mimétisme ne manquera pas d’être vécu à un niveau profond et non seulement en surface : les enfants ne recevront pas seulement la foi des parents, mais celle qui vient directement de Dieu. Elle grandira au fur et à mesure. 

L’épreuve de vérité sera le temps de l’adolescence : si la saveur de la vie chrétienne est vraiment implantée, l’enfant transformera la foi reçue des parents en la sienne propre, sinon il risquera de s’éloigner, au moins pour un temps.

Les adultes

Tout dépend ici de la sensibilité de la personne. 

Quelqu’un qui connaît déjà une certaine intériorité peut, éventuellement, découvrir quelque chose de la foi. Par exemple, quand il entre dans une église, dans une chapelle, ou dans un lieu où l’on prie, il ressentira la grande différence par rapport à tout autre lieu : il n’est pas dans un hall de gare ou un café par exemple. Une telle atmosphère peut le conduire à une certaine intériorité. Il saura également la retrouver dans d’autres circonstances : sur un bateau, en mer, dans le désert ou dans la forêt. En effet le contact avec la nature peut élever l’âme vers le Créateur… mais cette capacité n’est pas encore la foi : il ne s’agit que d’une ouverture à l’intériorité. 

La foi, pour un adulte, doit être apprise afin qu’elle soit, de manière juste, celle de l’Église. 

Pour un enfant cela est vrai aussi, dans une certaine mesure. La fréquentation de la catéchèse a pour objectif l’apprentissage, bien évidemment. Mais pour un adulte, la foi s’apprend dans l’Église et, surtout, dans la relation avec celui qu’il va choisir, au sein de l’Église, comme son référent. Ce dernier aura eu, lui aussi, son référent et ainsi de suite. On peut parler de Père spirituel, mais aussi de la personne qui accompagnera la personne sur son chemin de foi et d’Église. Il s’agit souvent d’un prêtre, étant donné que ce chemin est lié aux sacrements : la confession, la communion eucharistique, le sacrement des malades, etc.

Dans la transmission de ce que l’aîné a reçu, le cadet, qui vient le voir, va sentir que celui-ci a été ensemencé, engendré par l’Église et par des personnes précises.

Nous insistons ici beaucoup sur la relation personnelle : un adulte ne peut pas réellement grandir dans la foi en dehors de relations personnelles dans l’Église. 

Il lui est nécessaire d’entrer dans la foi de l’Église, d’apprendre quelle est sa vie, sa liturgie, sa prière, etc. Quand on parle de « foi », il s’agit simultanément de la relation personnelle avec le Christ et de la dogmatique de l’Église, ce dernier terme étant à prendre au sens étymologique, à savoir « l’ensemble des convictions reçues et admises au sein de l’Église ». 

Un tel cheminement se fait petit à petit. En entrant, très progressivement, dans la vie de l’Église et dans les relations qu’elle lui proposera, la personne va s’ouvrir à la foi.

De l’intériorité aux énergies divines

L’intériorité dont nous avons parlé plus haut, celle que l’on découvre dans le désert, par exemple, ne suffit pas. On peut passer sa vie à se sentir bien dans une forêt, dans une chapelle, dans un lieu désert, et papillonner ainsi… mais sans jamais entrer dans la foi de l’Église. De plus, le risque existe, finalement, de se complaire dans une telle intériorité. Or celle-ci peut rester superficielle et auto-centrée : on ne sort pas de soi-même et on reste uniquement avec soi-même. 

Une personne qui vit ainsi ne quitte jamais ce que l’on pourrait appeler « la nature », alors que, dans l’Église, nous sommes appelés à découvrir les énergies divines. Elles viennent nous habiter non seulement pour agir de manière bénéfique sur nos âmes, mais aussi pour nous bousculer. Elles nous inciteront en effet à découvrir une certaine discipline personnelle, d’une part, et à prendre conscience de notre péché, d’autre part. Il s’agit d’une réelle expérience. 

La question du péché, assurément, n’est pas immédiate pour une personne adulte peu instruite. Elle n’est, de surcroît, pas facile à aborder.

Le chemin vers la relation avec le Seigneur nous bouscule donc sensiblement. Des étapes sont nécessaires et, pour une personne adulte, la route peut être assez longue.

Le témoignage des douze et des soixante-dix apôtres

En termes de transmission de la foi, évidemment, l’exemple des premiers chrétiens et des Apôtres vient à l’esprit immédiatement. D’ailleurs, ils n’étaient pas seulement au nombre de douze : de nombreux autres disciples les ont rejoints dès la Pentecôte, mais on en ignore le nombre exact. Des chiffres symboliques nous sont donnés, qui se réfèrent au livre de la Genèse : on parle ainsi non seulement « des Douze » mais aussi « des soixante-dix disciples ». Il y en avait en réalité bien davantage. 

Comment pourrions-nous nous inspirer, au XXIè siècle aujourd’hui, de l’ancienne histoire du Christianisme ? Elle est celle de personnes qui ont annoncé l’Évangile et permis un éveil.

Prenons l’exemple de Matthieu. Il n’était pas vraiment, pour ainsi dire, un honnête homme. Le Christ vient le prendre derrière son comptoir de collecteur d’impôts ; Il lui dit : « viens et suis-moi ». Matthieu se lève aussitôt. Un effet si prompt indique, probablement, que Matthieu avait déjà entendu parler de certaines choses auparavant, peut être avait-il reçu des témoignages de personnes qui avaient rencontré le Christ et que quelque chose avait déjà mûri en lui.

Matthieu est donc resté trois ans avec le Christ et, au fur à mesure de sa relation avec Lui, il a découvert la profondeur et la grandeur de Jésus. Il a découvert aussi, plus tard, probablement lors de la Pentecôte, sa divinité. 

Parce qu’il a cheminé avec le Christ, qu’il L’a aimé, qu’il s’est attaché à Lui, qu’il Lui a été fidèle au delà de tous les drames, de la Croix surtout, il a été en capacité ensuite de prêcher une parole réellement convaincante et performatrice. Cela vaut aussi pour les autres apôtres et pour les disciples « parmi les soixante-dix ». Leur enseignement a eu une portée sur d’autres personnes car il ne consistait pas en des mots vides de sens, mais en une parole qui provient de la vie intérieure de celui qui a suivi le Christ. 

« Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20)

Le cas de Saint Paul est un peu différent mais, là encore, son enseignement a été précédé d’une expérience : il n’est pas possible en effet, sans cela, de faire vibrer le cœur d’une autre personne. Une expérience véritable, qui a fait l’épreuve du temps, indéfectiblement, est indispensable.

Notre propos ici correspond aux mots de Saint Paul : c’est en effet parce que le Christ vit dans la personne, que sa parole peut être puissante. « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est Christ qui vit en moi. Car ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Galates 2,20).

La grâce du Saint Esprit est agissante, simultanément, en celui qui vit en intimité avec le Christ, ou qui essaye de vivre en intimité avec Lui, et qui a franchi les étapes que les apôtres et les disciples ont franchies également.

Nous trouvons dans l’Église aujourd’hui des croyants débutants comme des chrétiens qui ont progressé, un peu ou beaucoup. Nous trouvons aussi ceux qui, fidèlement, continuent de progresser depuis 20, 30, 40 ou 50 ans. 

Nous parlons ici des chrétiens  qui ont pris conscience de leur état de péché, commun à tous les hommes, ainsi que de leurs propres manquements et qui s’en sont repentis, qui ont été accompagnés par un aîné, etc. Tout ce chemin, nécessairement, s’exprime dans la vie de la personne et a pour résultat qu’elle peut donner envie de suivre la même route, vers la vie en intimité avec notre Seigneur Jésus-Christ, invisiblement présent auprès de ceux qui répondent à l’appel.

Sandrine Caneri

Sandrine Caneri est bibliste et spécialiste du dialogue entre juifs et chrétiens orthodoxes. Elle enseigne à l’Institut de Théologique orthodoxe Saint-Serge, à Paris.

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